Je connais une mère qui pleure
Elle va au cimetière sur une tombe
Une partie d’elle-même est là
Ensevelie sous la terre
Et cette mère pleure
Je connais un père qui souffre
Il vit la déchirure de la mort
Certains lui disent que son enfant
Sa fille est partie là-bas
Et qu’il ne faut pas verser de larmes
Je connais leur déchirure
Le sentiment d’être amputée
D’être vide au coeur du ventre
Révoltée au fond des tripes
Envie parfois de tout recommencer
Je connais leur cauchemar
L’impression de vivre un rêve
Une illusion terrible de laquelle
Va revenir notre enfant chéri
La mort est définitive dans l’absence
Je connais une mère qui rit
Mais qui s’en veut de pouvoir encore
Produire des sons de joie insolents
Devant le drame quotidien qu’elle vit
Dans ses cellules écartelées
Je connais un père qui travaille
Mais les images de sa fille le hantent
Il s’accroche à la vie comme à la falaise
En demandant aux anges de le tenir
Assez fermement pour ne pas sombrer
Je connais un athlète handicapé
Il s’appelle Riad et se bat pour le sport
Comme nous il est amputé à vie
Chez les parents orphelins ça ne se voit pas
Mais le handicap coule dans nos veines
Je connais Aristide et Béatrice
Couple d’handicapés qui donne l’espoir
Ils se sont rencontrés dans l’eau
Ils ont eu des enfants et s’aiment
Elle nage et croit à son meilleur
Je connais un chanteur aveugle
Il s’appelle Gilbert et rayonne
Il me donne l’envie de vivre
Malgré le choc du deuil enraciné
Je poursuis ce que tu m’as donné
Ce que tu m’as donné, ma fille
C’est la vie qui s’ouvre sur l’inconnu
C’est le don d’être maman à jamais entre Ciel et Terre
C’est ton rire qui résonne toujours en moi
Et tes bras autour de mon cou qui vivent à jamais
Ce que vous me donnez
À vous qui vous battez
Pour l’handisport
C’est la fureur de vie
Où nous nous retrouvons
Ce que les parents orphelins
Apportent aux autres
C’est la constance intérieure
De ceux qui s’accrochent
Désespérément
Ne leur dites jamais de ne pas pleurer
Personne ne dit à un handicapé qu’il ne l’est pas
Son fauteuil se voit
Pas la tombe de notre enfant
Ni l’urne qui dort dans sa chambre
Ce que toi tu peux faire
C’est nous parler des arbres
De la terre et des roses
Du silence où les mots chantent
De sa vie dans la nôtre